J'ai longtemps chéri l'idée de dorloter mes parents vieillissants, pas comme des enfants, comme des parents, fragiles auréolés de blanc, menus de corps comme de pas, sarments cassants mais tendres au-dedans.
Je n'ai pas pu. Ils n'ont pas vraiment vieilli.Ils n'ont pas eu le temps.Je n'ai jamais dit mon p'tit papa, je n'appelle plus maman "mon minou", je ne parle qu'à des souvenirs.
Aussi je sais la douleur, le regret. Je sais les remords, les questions sans réponse, les "si j'avais su".
A celle qui a perdu ses parents, si proches par les dates, à celle qui affronte l'inexplicable choix, la violence d'une mort fracassée, à celle -ci - et à tous ceux qui pleurent- je dis que j'aime à penser qu'une lumière rougie ,roussie,jaunie, une lumière atténuée, altérée , les enveloppe, et les berce, une espèce d' automne pour l'éternité .
...a de nouveau les cheveux longs ! Le changement , c'est bien maintenant !
Les déménagements ne présentent guère que des vicissitudes, ecchymoses , courbatures, fatigue extrême...mais parfois du fatras s'échappe jusqu'à terre une photo noir et blanc, une photo des parents, si jeunes alors , éblouissants !
Le mélange qui s'en suivit fut étrange, étonnant , explosif, déroutant...A quoi pensait ce joli couple tandis qu'un photographe débutant ( je ne vois que cela ! ) décapitait leur chien à droite et laissait bien visible la mauvaise herbe à gauche, figeait leur jeunesse , leurs sourires ?
Très présents dans les rouleaux de la baie, la bouille de Pierre sur sa planche, Clémence et Timothée prêtant à l'océan l'azur de leurs yeux bleus.Le maillot rouge de Jezabel s'animant d'un roi lion, Julien en bâtisseur sur le sable des Trépassés.
Et le plaisir intense, intact de jouer dans les vagues, soulevée, chahutée, répétant la mise en garde fanfaronne d'une petite fille fluette " à nous deux l'Atlantique!"...